Saint-Geniès de Malgoirès | L’Italie déracinée sur le devant de la scène
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François de Luca est un enfant de l’émigration italienne. Il est né à Saint-Geniès de Malgoirès en 1960 après que ses parents ont quitté l’Italie en 1958. À cette époque, un habitant de San Giovanni in Fiore en Calabre serait en effet à l’origine de la venue à Saint-Geniès d’une quinzaine de familles, toutes originaires de ce même village à 2000 km de là.

vieux village de Calabre

Le village de San Giovanni in Fiore en Calabre

Entre 1860 et 1960 on estime à 26 millions le nombre d’Italiens ayant émigré vers des pays offrant du travail ou de meilleures conditions de vie. Les raisons sont diverses et variées : difficultés économiques, archaïsme social ou  tensions politiques, comme celles résultant de la venue au pouvoir de Musssolini en 1922. (Le travail manquait particulièrement pour les opposants au régime fasciste, contraints de quitter leur pays dans l’espoir d’y retourner un jour, tel le père de François.)

C’est ainsi que dans les années 60, plus d’une cinquantaine de petits « ritals » ont grandi à Saint-Geniès bercés par l’accent natal de leurs parents. Un pied dans le bleu, blanc, rouge du pays d’accueil et l’autre dans le vert, blanc, rouge de cette fameuse botte au-delà des Alpes.

Malgré le déracinement brutal, les néo-Médiogozins se sont vite intégrés et investis dans leur nouveau lieu de vie, s’efforçant d’apprendre le français le plus rapidement possible. Pas toujours simple, ce qui explique que certains en ont fait illico presto une insalata mista en mélangeant les 2 langues  tout au long de leur existence, comme la mamma de François.

Une mamma avec un cœur énorme bien sûr, à l’image des mamans italiennes. Et un amour fort pour elle de la part de son fils. D’autant plus que le papa disparait alors qu’il n’a que 2 ans et qu’elle doit élever seule ses 6 enfants (3 filles nées en Italie et 3 garçons nés en France), ne ménageant pas ses efforts.

Aussi lorsqu’elle disparait à son tour en 2015 François se fait une promesse : « un jour je raconterai ton histoire pour que les nouvelles générations ne l’oublient pas. « 

famille d'émigrés italienne

En 1958 la maman et les 3 sœurs de François sur le départ vers la France, pour rejoindre le papa qui avait trouvé un travail chez un agriculteur de Saint-Géniès.

Et c’est pour sa maman mais aussi pour tous les descendants de ces Italiens ayant quitté leurs pays, et qui en sont maintenant à la 4ème génération, que les samedi 14 et dimanche 15 mai 2022 sera racontée à Saint-Geniès l’histoire de l’émigration italienne avec en avant première le film documentaire « Nos racines » réalisé et tourné en partie par François lui-même.

Retour vers le futur d’un  passionné de tournage de films

Car François de Luca est un cinéaste/vidéaste amateur passionné. Très tôt on l’a vu se balader dans Saint-Géniès une caméra à la main. Il s’est ainsi constitué une vidéothèque qui allait se révéler bien utile par la suite.

Parallèlement à sa profession de directeur commercial dans la société d’arts graphiques Adésa  il a même réalisé des documentaires, et à l’occasion des petits films pour des chaînes de télé française et étrangère.

François De Luca réalisateur du film Nos Racines

Zoom sur les arènes

Mais rembobinons et commençons le film de son histoire personnelle avec un flash-back sur le gamin italo-français qui a vécu l’insouciance de l’enfance avec les copains du village. Et en particulier dans les arènes. Car pour tous les enfants de cette décennie, comme pour beaucoup d’autres, les arènes de Saint-Geniès sont un sacré souvenir !

♦ D’abord parce que c’était un terrain de jeux formidable.
♦ Ensuite parce que dans les arènes il y avait bien sûr les taureaux. Et que les gens venaient de partout voir les spectacles taurins, y compris en stop et en vélo. De ce fait les arènes étaient synonyme d’animation, de convivialité et de tradition.
♦ Et parce qu’enfin celles de Saint-Geniès jouissaient d’une belle réputation. Elles étaient plus importantes que les autres et les fêtes votives de Saint-Geniès avaient elles-aussi une longueur d’avance sur celles des alentours selon François. 

Il a régulièrement vu des aficionados en train de filmer, que ce soit dans les arènes de Saint-Geniès ou d’ailleurs. Et cela aussi allait lui être utile plus tard.

Mais le drame du stade de Furiani en Corse signa la fin de ce lieu mythique, puisqu’il qu’il fut rasé en 92 sur décision des instances de sécurité qui inspectèrent toutes les constructions en structures tubulaires de France.

« Et ce fut un véritable coup de poignard pour les gens du village « 

Coup de Projecteur sur la naissance du Festival du film taurin

Au club taurin on s’est alors demandé ce qu’on allait bien pouvoir faire désormais sans arènes. Et en 97 l’idée est venue de créer une projection de petits films sur Saint-Geniès, avec l’aide de François qu’on avait bien entendu repéré se promenant partout l’œil constamment rivé à sa caméra.

« Le Conseil général du Gard nous a prêté du matériel cinématographique et alloué un technicien, par le biais du député fonsois William Dumas. Et les gens, qui sont venus nombreux, ont aimé ça ! On avait réussi notre coup d’essai, à tel point que le technicien nous a suggéré de créer un véritable festival » se souvient François, dans la tête de qui une graine de scénario venait d’être plantée.

Mais tout cela semblait bien compliqué à mettre en œuvre.

C’est pourquoi, histoire d’avoir une trame, il partit à Grenoble assister à un festival de films amateurs. Mais il le jugea long et ennuyeux, ce qui servit de déclic : Saint-Géniès allait inventer SON festival cinématographique, mais à SA manière.

Le scénario avait germé et François se mit à le cultiver.

C’est ainsi que le clap de début du Festival du film taurin et Camarguais* fut donné en 98. Et dès la première ce fut un succès phénoménal, avec un public venu de toute la région, y compris de l’extérieur du département.

* François de Luca avait aussi en sa possession de nombreux documentaires qu’il avait réalisés sur la Camargue (histoire, manades, traditions, etc.)

« On avait décidé de présenter une quinzaine de petits reportages en super 8 sur 3 jours en février. On les a récoltés sous forme de concours en faisant appel justement à tous ces passionnés qui filmaient les fêtes votives et les spectacles taurins. On a obtenu des subventions du domaine public et on a monté un spectacle généreux. « 

Ce premier festival cinématographique cuisiné à la mode médiogozine a donc tout de suite fait le plein d’amateurs, avec une moyenne de 700 personnes à chaque projection. Des spectateurs visiblement comblés dans leurs attentes puisque très intéressés par ce qu’on leur a présenté.

À croire qu’il y avait une réelle demande de ce côté-là pour :

  • des films amateurs de qualité ;
  • du partage et de la convivialité avec la fête dans le village ;
  • des animations de rues traditionnelles et hautes en couleurs (abrivades, courses, etc.)
Festival du film taurin Saint-Geniès
festival du film taurin Saint-Geniès
fête taurine
Festival du film taurin Saint-Geniès
Spectateurs de film
festival du film taurin

Et le lien avec l’émigration italienne per favore ?

C’est la crise sanitaire qui fit le lien avec l’émigration italienne.

Car avec cette crise l’avenir du festival reste encore incertain. L’édition 2020* a pu se faire, mais ensuite ? Deux ans sans Festival du film taurin et Camarguais plus tard, François n’a toujours pas la réponse…

* En 2020 : 5000 à 6000 personnes, 4 projections soit 20 films environ, avec entre 500 et 1500 spectateurs à chaque projection.

À la recherche de ses racines

Or en 2020, contraint et forcé de rester chez lui comme tout le monde François de Luca a profité du confinement pour remettre le nez dans ses souvenirs italiens. Il a ressorti les albums de photos de famille et les vieilles bobines qu’il avait tournées et précieusement conservées. Dans la foulée il a réparé le super 8 pour les visionner à nouveau. Il s’est souvenu surtout de la promesse faite au décès de sa mère et il a monté pour son fils un petit film qui racontait l’histoire familiale.

Il avait pour cela du beau matériau tout prêt. Puisqu’en dehors de ses vidéos sur Saint-Geniès ou sur la Camargue, François avait aussi filmé la famille restée au pays quand il y allait en vacances. Et il avait interrogé sa grand-mère et d’autres. Mais dans les années 80 l’expérience n’avait pas été concluante, car poser et s’exprimer face à une caméra n’était pas pour eux un exercice facile.

C’est pourquoi il avait eu l’idée de les filmer avec son Iphone et une petite caméra de poing à son retour en 2016. Et il avait alors obtenu un résultat qu’il jugea lui-même extraordinaire, soit une pudeur et une intimité respectées avec une parole libérée, et une émotion parfaitement retranscrite.

« Ils se sont sentis à l’aise cette fois-là. Quand on fait du cinéma ce qui compte c’est le contenu, et non le moyen d’arriver au résultat. « 

.

François et ses grand-parents en Italie

François lors d’un séjour chez ses grand-parents en Italie.

 » En me replongeant dans ce qu’avaient vécu mes parents, je me suis aperçu qu’ il y avait des choses très intéressantes. Alors je suis parti prospecter sur le Net pour avoir de la documentation supplémentaire concernant l’histoire de ces gens qui avaient du quitter leur pays. J’ai d’ailleurs regretté de ne pas m’y être intéressé davantage du vivant de ma mère. À Saint-Geniès il y a entre 500 et 800 descendants de ces migrants. J’ai pensé que ça les intéresserait peut-être aussi d’en savoir plus. »

Et si il racontait l’émigration italienne à travers le parcours de sa famille et sous la forme d’un documentaire cinématographique plus important ?

François venait d’avoir une nouvelle idée.

Et comme à Saint-Geniès toutes les familles italiennes ont elles-aussi conservé des archives, dès 2020 il est parti glâner des infos dans le village afin de trouver matière à étoffer son film. Il a eu la chance de rencontrer alors des mémoires vives de cette grande migration juste avant que, pour certaines du moins, elles ne disparaissent. Comme ce monsieur qui quitta son pays avec son père à l’âge de 17 ans et qui lui raconta son voyage et sa vie.
« Je me suis retrouvé face à des témoignages forts et j’ai vraiment senti qu’il y avait là un vrai potentiel. « 

En 2020 François venait de prendre sa retraite. À défaut de consacrer sa nouvelle disponibilté au Festival du film taurin, il décida de mettre en images tous les témoignages qu’il avait rassemblés. Dans le but de les présenter à toute la communauté italienne de Saint-Geniès.

Un film pour tous

Seulement en cours d’action sa réflexion évolua, comme c’est souvent le cas pour les artistes. Pourquoi en effet ne parler que du village de sa mère et de Saint-Geniès quand on sait que les villages tout autour comme La Calmette, Fons et plein d’autres ont eux aussi accueilli bon nombre de familles ? Et que l’on compte aujourd’hui plus de 250 millions de descendants d’émigrés italiens dans le monde entier ?

D’où une prise de conscience de la part de ce fils d’émigré. « C’est en fait sur l’immigration italienne partout en France que mon film devait porter, que ce soit dans les mines de Lorraine, au port de Sète, à Marseille ou ailleurs.  J’ai donc continué mes recherches pendant un an, en fouillant dans des documents nationaux, dans les archives de la télévision, etc. « 

Et une fois de plus, la pêche fut bonne !

À tel point qu’une fois le film définitif monté par une scénariste et visionné par une dizaine de proches, il fut accueilli par un WAOUH particulièrement enthousiaste !

Un visionnage qui donna d’ailleurs à son propre fils l’envie de partir en Italie retrouver ses racines.

François avait atteint son objectif car l’émotion qu’il avait voulu transmettre était bien passée !

C’est ainsi que la décision fut prise d’organiser une fête à Saint-Géniès les 14 et 15 mai 2022 pour rassembler tous les descendants des émigrants italiens autour de la projection du film intitulé « Nos Racines ».

Film Nos Racines à Saint-Geniès
Film Nos Racines à Saint-Geniès

Communiquer Autour du film

Restait donc à communiquer sur  l’évènement.

Avanti vers le succès

« Le thème de l’émigration est d’actualité en ce moment, en France et ailleurs. Beaucoup de personnes sensibilisées au sujet m’ont aidé à obtenir des subventions. Car on ne monte pas un tel événement d’un claquement de doigts et l’argent reste malheureusement le nerf de la guerre, surtout quand le spectacle offert est gratuit. On m’a proposé d’organiser cette manifestation ailleurs, à Nîmes ou à Sète par exemple, mais j’ai décidé de trouver moi-même les fonds pour le faire à Saint-Geniès car je souhaite que la première du film ait lieu ici  » indique François.

  • Le programme a été décidé l’année dernière.
  • Le communiqué de presse, qui sera diffusé à partir du 3/4 mai, a été fait par un journaliste de  Midi Libre.

Mais l’affaire suscite déjà un véritable engouement. Le public devrait arriver de différents endroits de France et même de l’étranger, par bus entiers. Beaucoup de gîtes des environs sont réservés. Car les jeunes de la dernière génération d’immigrés se révéleraient plus Italiens que les anciens et, à 30 ans, carrément « cramés » d’Italie d’après l’organisateur.

« J’ai reçu beaucoup de demandes de participation à ce week-end. J’ai été très sollicité puisque chacun a sa propre histoire à raconter, et qui présente évidemment tout autant d’intérêt. Mais je n’ai pas pu prendre tout le monde malheureusement. À Paris ils ont fait Ciao Italia, une expo sur le même thème. Mais rien à voir avec l’ampleur de ce que nous proposons ici. C’est la première fois qu’une rétrospective de l’immigration italienne est aussi étayée. « 

À noter : il n’existait pas à ce jour en France de mémorial dédié à cette immigration, contrairement à d’autres. Ce sera chose faite sous peu à Nogent-sur-Marne le pays de Cavanna, après que la maire de Paris a refusé qu’il ne soit installé place d’Italie. Le film « Nos Racines » sera associé à l’inauguration et à ce titre une délégation viendra le découvrir à Saint-Geniès.

« Ce sera une reconnaissance forte pour nos parents » fait remarquer François.

Un programme al dente

Une fois le film monté, il a fallu l’entourer de centres d’intérêt supplémentaires pour que la fête soit complète durant 2 jours.
Il sera donc encore une fois question d’insalata mista avec un mélange d’animations largement assaisonné à l’italienne.

1) plusieurs formes d’expression :
♦ du cinéma avec le film « Nos Racines »
♦ du théâtre comique sur l’émigration italienne avec le one-man show « Poupée Gonflante »
♦ de l’écriture avec la présence de 3 écrivains italo-français
♦ des chansons de là-bas

2) une exposition de voitures italiennes ;

3) un défilé de costumes vénitiens ;

4) un marché de produits italiens ;

5) la visite guidée du village avec Amphore ;

9) une abrivade bandide ;

6) un repas italien (16€) ;

7) un repas grillades (8€) ;

8) Etc.

 

week-end italien
  • OUVERT À TOUS
  • TOUTES LES ENTRÉES GRATUITES

En proposant son film et cette bella festa, François de Luca part complètement à l’avventura quant à la réussite de ce futur week-end made in Italia.

Mais il met tout en œuvre pour diffuser l’info au maximum et faire en sorte que le succès soit au rendez-vous. Car l’Italien qu’il est sait malgré tout que d’en parler avec les mains ne sera pas suffisant. wink
« Pour avoir un public nombreux, la recette est d’associer une bonne comm’ à un bon produit. Mais finalement peut importe le résultat, l’important est qu’on y prenne du plaisir« .

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