Fons Outre-Gardon | L’eau des sources d’Alain Delage
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l’eau fonsoise contée par un voisin Gajanais

L’auteur gajanais Alain Delage est un passionné.

Passionné d’écriture tout d’abord puisqu’il publie un ouvrage chaque année tout en étant correspondant pour le quotidien Midi Libre.

Passionné d’histoire et de traditions ensuite, qu’il poursuit de ses recherches et qui lui permettent bien souvent d’apporter de l’eau au moulin de son imagination, quand il puise dans ses connaissances pour écrire ses romans.

Alain Delage a aussi écrit sur l'eau

Il y a quelques années Alain Delage a publié « Ainsi font les Fonsois« . Cet ouvrage est une mine de renseignements sur la vie passée de Fons Outre-Gardon. Il s’y est penché sur l’histoire de l’eau, source de bien des tracas dans le Sud confronté de tous temps à la sécheresse. Et cette eau a coulé sous les ponts depuis le temps où ce village  n’était alimenté que par des puits.

Retrouvons donc quelques épisodes marquants de l’épopée de ce précieux liquide, sous la plume d’Alain Delage.

Quand Fons était alimenté par ses puits

D’aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de nos civilisations, la recherche de l’eau a toujours été un problème majeur. Le nom de Fons (allusion à la fontaine) rappelle le précieux liquide que l’on a tendance à gaspiller et qui est de plus en plus rationné de nos jours.
Nos aïeules utilisaient l’eau avec parcimonie. Elles en connaissaient toute la valeur étant souvent obligées d’aller la chercher à la source, à la fontaine publique ou de la tirer du puits.

Et jusqu’au 19ème siècle, seuls les puits permettaient d’approvisionner Fons en eau. Chaque année, une certaine somme était d’ailleurs allouée à leur entretien.

En 1853, un projet aurait pu changer cette situation. En effet, des sondages furent effectués près de Cardet afin de conduire l’eau du Gardon pour alimenter la ville de Nîmes, en passant par les villages. Le canal d’amenée des eaux aurait suivi, à quelque chose près, la même trajectoire que la voie ferrée, mais serait passé à l’ouest de Fons. Cette étude ne fut pas suivie d’effet.

En 1874, un autre projet de canal d’irrigation du Rhône, au départ de Lyon jusqu’à Béziers, tomba également dans les douves de l’oubli.

tracé d'un canal de distribution l'eau

Le projet du canal d’irrigation de 1874 passait entre Fons et Gajan

♦ Le 29 mai 1855, le conseil décida de la construction d’une pompe au puits de la Carrière et en confia l’étude à monsieur Rivail, architecte.

Le conseil municipal considérait en effet que « les habitants de la commune manquaient d’eau pendant une grande partie de l’été pour leur nécessaire, et que c’était dans l’intérêt général d’y pourvoir ».

♦ Le 23 juillet 1894, il fut également décidé par le conseil d’établir une pompe au « puits de la rue » qui était le puits principal de la commune en argumentant que ce puits fournissait l’eau à la majeure partie de la population du village, et que le seul moyen de l’y puiser était très pénible puisqu’il obligeait chaque personne à se munir d’une corde.

♦ Un autre puits, situé près du presbytère, fut réparé en décembre 1894.

Mais dans sa séance du 17 août 1896, le conseil municipal fit le constat suivant :

« la commune de Fons est entièrement dépourvue d’eau potable pour l’alimentation de ses habitants. Il n’existe que des puits peu profonds, appartenant à des particuliers, ne donnant même en temps normal pendant l’été, qu’un faible débit d’eau, imposant à chaque propriétaire l’obligation de se raisonner ».

Cette situation s’aggrava et l’année 1896 vit tarir 9 puits sur 10. Ceux qui donnaient encore de l’eau furent l’objet d’une surveillance jalouse de la part des propriétaires. Ils n’acceptaient de n’en laisser prendre que par petites quantités, par des personnes de leur choix et après des sollicitations répétées.
Il en résulta que bon nombre d’habitants lassés de solliciter et d’être souvent éconduits, souffrirent réellement de cette situation. Ce qui émut les élus.

En 1897 on cherche de l’eau et … de l’argent

Le manque d’eau en cette fin de 19ème siècle obligea ainsi les élus de Fons à plonger au cœur du problème.

Un projet de captage

Interpellés à juste titre des inconvénients multiples résultant des successives pénuries d’eau et redoutant que quelques épidémies ne se déclarent par l’usage d’eaux croupissantes, ils votèrent un principe de recherche d’eau sur le territoire de la commune, dans le but de la capter et de créer un service d’alimentation publique par l’eau de source.

Les recherches aboutirent à la découverte de la Font Saint-Martin, « au quartier du mas de Jean Roux et appartenant à André Rey », comme on peut le lire dans les archives municipales.

Un projet pour le captage, la pose de canalisations, la construction d’un réservoir et la mise en place de fontaines fut élaboré pour un montant de 34400 francs. Ce projet avait, par souci d’économie, le mérite d’amener l’eau jusqu’au réservoir par simple gravité, sans l’utilisation d’une pompe.

Un emprunt de cette somme fut contracté à la Caisse des dépôts et consignations pour une durée de trente ans. On confia les travaux à Gaston Bouty, de Fons, qui fut chargé « de creuser une galerie pour recherches d’eaux au quartier de « Terre Rouge ».
On décida par ailleurs que « Le sieur Bouty exécuterait les travaux de creusement et de boisage dans les terrains venant au pic, sans emploi de poudre, qu’il serait responsable des éboulements qui viendraient à se produire par sa faute. « 

La galerie aurait une section trapézoïdale régulière.

  • Elle ferait 1,80 m de hauteur et 1,50 de largeur, à hauteur de ceinture et sans les boisages,
  • Sa pente serait montante et ne dépasserait pas 2 millimètres par mètre.
  • Elle serait creusée en ligne droite. Toutefois sa direction serait déviée si l’architecte le jugeait nécessaire.

Gaston Bouty et ses ouvriers se mirent alors à l’œuvre.

construction pour capter l'eau

La Fontaine Saint Martin, lieu du captage

Une lourde charge pour les contribuables

Or nous étions en pleine crise viticole consécutive à la destruction d’une partie du vignoble méridional par le phylloxéra et à sa reconstitution, mais également à la mévente des cocons de vers à soie (un apport très important pour les ménages).

C’est pour cette raison que le 7 avril 1897, le conseil municipal estima la dépense très lourde à supporter, même si ce projet répondait vraiment à un réel besoin des habitants de Fons.

« La crise agricole que traverse la commune, par suite de la reconstruction du vignoble et de la mévente des cocons, rendra la charge lourde pour les contribuables. Les travaux projetés constituent cependant une amélioration considérable sur la situation actuelle de la commune au point de vue de l’alimentation en eau potable ».

Les élus s’adressèrent aux pouvoirs publics.
La commune acheta 2 parcelles de terrain. La première sur le lieu de captage, et la seconde à l’endroit où se trouve désormais le château d’eau.

Naissance et disparition d’un Griffe

Confrontés aux différentes pénuries d’eau, les élus fonsois décidèrent en 1898 de construire un griffe sur la place de l’église ainsi qu’un lavoir sur l’avenue de la Cabasse , à la sortie du village.
Pour construire ce griffe, il fallut déplacer une croix qui existait devant l’église, les conseillers estimant que « les 2 monuments ne sauraient exister sur la place sans qu’il en résultât de graves inconvénients pour la circulation ».

Mais d’où vient ce nom de « griffe » ?
Cette appellation très localisée est tout simplement issue de l’occitan « griffol », désignant une source, une fontaine ou un jet d’eau, que l’on retrouve souvent dans des compoix du 16ème siècle où il est régulièrement question de « jardin arousant » (arrosable) comprenant a « mièg ung grifol » (une fontaine en son milieu). On trouve aussi le diminutif « grifolet » pour une petite fontaine. Le mot « grifol » est un peu tombé en désuétude, mais on a continué à parler de la « grifol », puis de la « fontaine grifol » (ce qui est un pléonasme) et enfin on l’a remplacé par le mot français qui s’en rapproche le plus, « griffe » … au masculin !

Les travaux d’adduction d’eau

Ils furent terminés en 1899 et l’eau de la Font Saint Martin arriva dans le bassin qui se trouve au pied de l’actuel château d’eau avant d’atteindre la vasque du griffe construite à cet effet, au centre du village et qui fut démolie et agrandie lors de l’été 1901.

Châteaux d'eau à Fons Outre-Gardon
stèle de château d'eau

Le bassin initial au 1er plan, devant le château d’eau actuel

Dès 1923, consécutivement à une nouvelle sécheresse, l’eau vint à manquer encore une fois et des recherches furent entreprises sur les territoires de Gajan et de Fons, mais elles restèrent négatives.

Un syndicat intercommunal de l’eau

Deux ans plus tard, en 1925, le conseil municipal s’associa avec Saint Bauzély et Montignargues, qui avaient les mêmes préoccupations, en vue d’amener l’eau du Gardon. Le 19 mars 1926, le conseil municipal donna un avis favorable pour la création d’un syndicat des eaux, la sécheresse continuant à sévir.

Ainsi à cette époque déjà, au mois de juin 1927 les fontaines de Fons ne furent ouvertes que 3 heures par jour et l’assèchement complet de la Font Saint Martin avant la fin de l’été fut sérieusement envisagé, ce qui accéléra le projet de branchement sur le Gardon.

Le 6 juillet 1928 vit la naissance officielle du syndicat intercommunal dont Samuel Rouquette, Léon Durand et Paul Fabre furent nommés délégués pour le village de Fons.

Un griffe vendu à la ferraille

Quant au Griffe construit au début du 20ème siècle, son bassin était en pierre et surmonté de deux vasques métalliques du plus bel effet.
En 1952, il y a tout juste 70 ans, il fut démoli, malgré une pétition des villageois contre ce projet, et la partie supérieure vendue à un ferrailleur de Boisseron.
C’est au tailleur de pierres local, Claude Bros, que l’on doit le nouveau griffe qui trône depuis 1997 sur la place Alphonse Daudet.

Le griffe de Fons en eau

Griffe d’hier et griffe d’aujourd’hui à Fons

griffe sans eau

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