SAINT-MAMERT DU GARD | Rencontre avec Youri Gagarine
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Du raisin calmettois pour Gagarine

Robert Gaussen centenaire

Robert Gaussen est né en 1919 à Saint-Mamert du Gard.

Il est long le fil de l’histoire quand on a 100 ans et des souvenirs plein la tête ! Mais certains événements ont laissé des empreintes plus marquées que d’autres dans la mémoire de notre centenaire.

Ainsi sa rencontre avec le cosmonaute russe Youri Gagarine, premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace  le 12 avril 1961,

Il fut une époque où la Calmette portait mieux son nom que maintenant car tout y était plus calme. La seule activité qui régnait près du cimetière consistait à travailler la vigne tout au long de l’année. Et seuls les enterrements venaient rompre cette routine. Car des rangées de vigne occupaient en effet l’espace où s’étend désormais la zone commerciale et son agitation perpétuelle, face au lieu de repos éternel.

Un certain Youri Gagarine, mondialement connu, réveilla pourtant un jour La Calmette le temps d’une visite.

UN vip au cimetière

C’est d’ailleurs le nombre inhabituel de véhicules garés aux abords du cimetière qui attira l’attention de Robert Gaussen un matin de septembre 1967. Il vendangeait en compagnie de quelques Espagnols à l’endroit où s’est construit depuis un certain magasin, dont l’enseigne porterait à croire à tort que l’on puisse y faire fortune. Car c’est systématiquement la bourse allégée, voire vidée, que l’on en sort.

À quelqu’un qui passait par là, Robert Gaussen demanda qui était ce personnage important que l’on portait en terre. Ce à quoi le quidam répondit qu’il ne s’agissait pas d’un enterrement, mais de la visite de Youri Gagarine.

Gagarine ? Dans le cimetière de la Calmette ?

Il n’en fallut pas plus pour piquer la curiosité de nos vendangeurs. Celle des Espagnols surtout, qui avaient fui le franquisme et la guerre d’Espagne, et tenaient à saluer un « camarade révolutionnaire » aussi célèbre que ce cosmonaute, héros national russe.

Gagarine sans marteau ni faucille mais avec le sourire

C’est donc avec quelques grappes coupées à la hâte qu’ils accueillirent le grand homme à la sortie du cimetière, entouré par la délégation russe et quelques officiels. Un homme pas si grand que ça en définitive puisqu’aux dires de Robert Gaussen, il lui serait largement passé sous le bras. L’habitacle réduit du vaisseau spatial Vostok ne permettait certes pas de loger un Gargantua.

Mais ce qu’il avait de grand était par contre son sourire. « Il était très sympathique. On a dit au traducteur de lui demander s’il voulait venir vendanger avec nous. »

Le héros national, promené à travers le monde pour vanter la grandeur de l’Union Soviétique, serait bien resté en leur compagnie s’il n’avait eu « d’autres choses à faire et certainement moins intéressantes. » Mais peut-être n’avait-il pas sur lui sa faucille tout simplement.

Heureuse époque où tout un chacun pouvait aborder un VIP international en toute simplicité et discrétion, le temps d’échanger une poignée de main et quelques grains de raisin.

Cuvée Youri Gagarine

Le pourquoi du comment

On a bien compris que la tournée mondiale de Gagarine entamée à la suite de son exploit, était utilisée à des fins de propagande politique. Mais 2 questions se posent.

1-Pourquoi faire venir Gagarine au cimetière ?

Tout simplement parce qu’y étaient enterrés deux soldats russes, et que c’était le passage obligé des délégations de l’URSS à l’occasion de leurs visites en France et dans le Gard. On venait s’incliner sur une tombe qui aurait d’ailleurs été financée, dit-on, par le PC de l’Union soviétique.

2 -Pourquoi ces deux « camarades » reposaient-ils à la Calmette ?

Parce qu’ils étaient tombés non loin de là en se battant aux côtés des maquisards, contre les Allemands. Les notables russes venaient donc chaque fois saluer la mémoire de deux héros soviétiques.

Les dessous de l’histoire

Une coutume qui commençait d’ailleurs à coûter un peu cher au maire de l’époque, Roger Martin, obligé de recevoir ce beau monde à grand renfort de réjouissances gastronomiques et vinicoles.

Mais Youri Gagarine, disparu l’année suivante, ne connut probablement pas le fin mot de l’histoire contée ici par Robert Gaussen.

Car ces deux soldats tombés au combat durant la seconde guerre mondiale seraient initialement des déserteurs de l’armée russe. Faits prisonniers dans un premier temps par les Allemands en Russie, ils se seraient enrôlés dans leur armée histoire d’échapper aux camps de prisonniers et à la famine.

Puis ils auraient à nouveau déserté pour rejoindre le maquis en France lorsque le vent tourna. Ils perdirent la vie lors d’un affrontement du côté d’Alès.

Recevoir les honneurs post-mortem de leurs compatriotes permit ainsi à notre actuel centenaire de croiser un jour le chemin de Youri Gagarine.

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