Quand les anciens se régalaient de bonnes histoires de clu
Robert Gaussen est né en 1919 à Saint-Mamert du Gard.
Il est long le fil de l’histoire quand on a 100 ans et des souvenirs plein la tête ! Mais certains événements ont laissé des empreintes plus marquées que d’autres dans la mémoire de notre centenaire.
Ainsi ces rendez-vous quotidiens entre papys du village, une assemblée baptisée le clu et où les langues allaient bon train.
Un conseil des anciens
Robert Gaussen se souvient des années pas si lointaines où cette assemblée exclusivement masculine, composée de villageois d’âge respectable, débattait de sujets aussi divers que variés des plus futiles aux plus sérieux. On l’appelait « le clu ». C’était une sorte de conseil des anciens. Notez bien qu’il n’est pas ici mentionné « conseil des sages », et pour cause.
Le clu se réunissait chaque jour, été comme hiver, place du Monument aux Morts.
«Tout le monde pouvait y prendre la parole, inutile d’être un tribun pour cela. C’était aussi cacophonique et animé qu’à la Chambre des Députés. »
Il faut dire que cela se passait de 10h à midi. Car à l’heure de la sieste et de la digestion, le clu aurait certainement présenté d’autres similitudes avec les occupants de ladite Chambre.
Le clu c’était une institution séculaire, la gazette du village, la libre circulation de l’information. On y commentait les événements heureux et malheureux. Il y avait parfois quelques frictions mais ça ne se terminait jamais en pugilat, les échanges houleux étant adroitement détournés vers une conversation plus légère de façon à faire retomber la tension.
En hiver les palabreurs s’abritaient côté Poste, profitant du soleil pour se réchauffer les os. En été c’était en face, côté tilleul et Monument, histoire de se les maintenir au frais. Mais peu importe la saison, les langues fonctionnaient pareillement.
Au centre les 2 survivants du clu en 2020 : Louis Causse 90 ans à gauche et Robert Gaussen 100 ans à droite
Un clu misogyne ?
Les femmes tenaient salon ailleurs, près du temple paraît-il. Victimes d’une misogynie impitoyable ? Absolument pas ! Aux dires de notre rapporteur des faits, elles s’excluaient d’elles-mêmes de ces rendez-vous quotidiens entre mâles.
Car de l’aveu même de notre centenaire les échanges entre retraités tendaient à se retrouver régulièrement en terrain glissant, voire scabreux, et avaient du coup matière à froisser les oreilles féminines. Des oreilles qui devaient d’ailleurs parfois siffler fort étant donné qu’au passage de ces dames, des réflexions pas toujours dignes de gentlemen étaient formulées.
Seuls les deux « clusiens » qui ont eu la bonne idée de prendre des photos au lieu de s’y mettre sont encore parmi nous. Robert Gaussen 100 ans et Loulou Causse 90 ans avaient assemblé leurs photos respectives pour ce résultat final. Car tous les figurants ont disparu avec les années qui passent, et avec eux le fameux clu. Et les anciens ne sont pas remplacés sur les bancs de pierre.
« C’est ainsi que peut s’éteindre la mémoire d’un village issue de la tradition orale. C’est désolant mais c’est inévitable. Il faut vivre avec son temps » conclut, fataliste, Robert Gaussen.
On peut par contre assurer sans se tromper que le temps n’a pas de prise sur certaines histoires de clu. Quelle que soit l’époque, elles ont toujours autant de succès !