Il ne leur manque que la parole
Robert Gaussen est né en 1919 à Saint-Mamert du Gard.
Il est long le fil de l’histoire quand on a 100 ans et des souvenirs plein la tête ! Mais certaines parties ont laissé des empreintes plus marquées que d’autres dans la mémoire de notre centenaire.
Ainsi celles qu’il retient de sa cohabitation avec les bêtes de la ferme. Leur comportement continue de l’émouvoir encore des dizaines d’années plus tard.
En famille avec les bêtes
Et si les bêtes pouvaient parler ? Qui sait quelles émotions elles auraient la capacité de partager avec nous autres les humains ?
À Saint-Mamert Robert Gaussen a longtemps côtoyé la belle brochette d’animaux qui constituaient à l’époque l’entourage de bon nombre de paysans :
- ceux de la basse-cour,
- les lapins,
- les chèvres,
- les cochons,
- les chevaux,
- les chiens,
- les chats,
- ect.
« On dit que les paysans n’aiment pas les bêtes. C’est faux. Même s’ils se gardent de toute sensiblerie, ils sont plus attachés à leur bétail qu’ils n’y paraissent. Car on ne peut éviter de s’attacher à des animaux qui ont travaillé avec vous pendant plusieurs années. Ils faisaient partie de la famille et je crois qu’ils en étaient conscients. »
Se recueillir sur la tombe de son maître
C’est ainsi qu’au cours d’une transhumance un berger de Saint-Geniès de Malgoirès décéda brutalement. Son chien, conscience professionnelle oblige, resta près du troupeau alors qu’on rapatriait le corps de son défunt maître. Puis un autre berger prit la suite en récupérant le chien et le troupeau.
De retour à Saint-Geniès avec la fin de la transhumance, le fidèle toutou prit la direction de Parignargues à 10 km de là.
Or c’est dans ce village que le berger avait été inhumé et c’est sur sa tombe que le chien se rendit régulièrement par la suite. Comment avait-il été informé du lieu de la dernière demeure de son maître ?
Mourir d’aimer
Et que dire de ce chien de chasse dont notre centenaire dut se séparer pour cause d’incompatibilité d’humeur avec ses congénères.
Au bout d’un mois, le nouveau propriétaire l’informa que le chien refusait de s’alimenter et de chasser.
Après une visite chez le vétérinaire qui ne décela rien d’anormal, c’est un médium qui trouva l’explication. La bête se laissait tout bonnement mourir de chagrin d’être séparée de son ancien maître.
Inutile de préciser comment se termina l’histoire, lorsque le chien exilé retrouva la rue de la Galinière.
Bijou, une perle rare pour son ami chien
L’histoire de Bijou le cheval et de son pote le chien émouvrait le plus insensible d’entre nous.
Maigre à faire peur, de santé précaire et terne à souhait, Bijou portait mal son nom. Il retrouva miraculeusement la santé lorsqu’on lui fit découvrir l’abreuvoir communal. L’eau du puits que l’on tirait pour lui jusqu’alors se révéla par la suite polluée par le purin qui s’y infiltrait en provenance de la fosse à fumier toute proche. En un mois Bijou avait rajeuni de dix ans.
À ce moment-là tapa-t-il dans l’œil du chien de la maison ? Toujours est-il que ce dernier en fit son meilleur copain. Il dormait contre lui à l’écurie et ne le lâchait pas d’un coussinet.
Jusqu’au jour où, vieillesse oblige, il fallut remplacer Bijou qui fut mené… à l’abattoir ! Et c’est à ce moment du récit qu’il faut sortir son mouchoir. Car le chien suivit le véhicule en direction de Nîmes aussi loin que ses forces le lui permirent, c’est-à-dire très loin, avant de s’en retourner tristement vers sa demeure.
« Des larmes me montent encire aux yeux alors que je relate cette triste histoire, conclut Robert Gaussen. Elle prouve que les bêtes, tout comme nous, peuvent avoir un cœur et peut-être même une âme.«