Longue vie au phénomène
Robert Gaussen est né en 1919 à Saint-Mamert du Gard.
Il est long le fil de l’histoire quand on a 100 ans et des souvenirs plein la tête ! Mais certains événements ont laissé des empreintes plus marquées que d’autres dans la mémoire de notre phénomène devenu centenaire.
Car c’est bien de phénomène qu’on le qualifia, à peine assis sur les bancs de l’école. Il nous conte ici quelques anecdotes de ce long parcours hors norme.
Une tête bien pleine
Si la tête de Robert Gaussen déborde désormais de souvenirs accumulés au cours de ses dizaines d’années d’existence, elle n’a jamais été vide pour autant.
Lorsqu’il prend le chemin de l’école en 1923 il a 4 ans au lieu des 5 requis à l’époque. Il faut en effet remplir les bancs clairsemés des salles de classe car peu d’enfants sont nés en cette période de guerre. Et c’est sur le dos de son grand frère qu’il rentre à la maison à la fin de cette première journée. « Pardi si je m’en souviens ! À la récréation j’ai voulu m’en aller, estimant que la séance était terminée !« .
Pourtant il va rapidemment prendre goût à l’acquisition et à la mise en pratique des connaissances, et ce dans de multiples domaines.
Un phénomène de 4 ans
Il faut croire que la tête du petit Robert était déjà un vrai dictionnaire car à la fin de sa première année de maternelle la voisine médusée le trouvait régulièrement en train de lire le journal !
« La curiosité, source de toutes les sciences était mon moteur, et très vite j’ai pris quelques longueurs d’avance sur mes camarades« .
À l’inspecteur d’académie qui tente de lui faire croire que sur chaque main il a six doigts, il répond que ce n’est pas possible car sinon il serait un phénomène ! Une répartie qui marquera l’inspecteur, puisqu’un an plus tard à nouveau de passage à l’école il demandera à revoir « son phénomène ».
Un percepteur de 16 ans
Mais Robert Gaussen sait aussi très bien compter, et pas uniquement sur ses doigts ! Et lorsque débarque à Saint-Mamert un agent du Trésor Public qui préfère aller taquiner la truite en Cévennes plutôt que ferrer de gros poissons au fond de sa perception, c’est tout naturellement que l’on fait appel au « phénomène » pour assurer les remplacements.
Et c’est ainsi qu’à 16 ans, il se retrouve seul un mois durant à tenir la perception de Saint-Mamert. Il peut se targuer d’avoir été « parfaitement intraitable dans l’exercice de ses ponctions » et d’avoir eu surtout une sacrée responsabilité sur les épaules.
Un phénomène quoi !
Le percepteur redescendu en coup de vent de sa montagne pour s’assurer que tout allait bien repartit aussitôt se la couler douce au milieu de la rivière. Mais le jeune Robert venait d’être pris dans les filets d’une carrière professionnelle à l’hameçon de laquelle il n’avait pas délibérément mordu. Car le petit marin de la photo deviendra lui aussi percepteur pour de bon.
Un pilote de 80 ans
Lorsqu’il prend sa retraite à la perception de Saint-Geniès de Malgoirès, le Saint-Mamertois a 60 ans. C’est l’âge où on se met d’ordinaire à cultiver ses salades ou à taper le carton avec les autres retraités au club du 3ème âge. Pas Robert Gaussen. Il prend des cours de pilotage puis achète un petit avion. Lorsqu’il raccroche le manche 20 ans plus tard il a à son actif 1150 heures de vol.
« C’est surtout la technique qui m’intéressait, plus que l’envie de découvrir du pays depuis là-haut. J’ai appris à piloter à l’aéro-club d’Uzès et j’ai même tenté de construire une piste d’atterrissage pour ULM à Saint-Mamert. »
Car l’insatiable expérimentateur a aussi tâté de l’ULM. Comme tout phénomène qui se respecte.
Mais les Saint-Mamertois se souviennent surtout de ce petit avion qui survolait le village, reconnaissable entre tous. Ce qu’ils savent moins c’est les sueurs froides que connut parfois son pilote.
La carrière de phénomène de Robert Gaussen se poursuit encore. La preuve, il vient de fêter ses 100 ans.