Les spaghettis de Lino sont passés comme une lettre à la poste
Il y a pattes et pâtes. Quel est le lien entre les deux ? À La Calmette tout le monde ou presque connaît Gérard Blain. Homme de terrain, le conseiller municipal et président de Cambo Roujo qu’il est aujourd’hui fut aussi pompier volontaire et surtout facteur.
C’est donc à pattes, avec le courrier et les colis à distribuer sous le bras qu’il arpenta les pavés de la capitale à la fin des années 70 et au début des années 80. Ce qui lui valut de faire quelques belles rencontres. Avec l’acteur Lino Ventura par exemple, qui l’invita à manger des pâtes.
V’là l’facteur !
Il n’est pas si loin le temps où le facteur faisait presque partie de la famille. L’époque où il prenait son temps pendant sa tournée pour blaguer avec les clients, histoire de colporter aussi les dernières nouvelles tout en s’inquiétant des uns et des autres. On a encore dans les narines l’odeur du cuir de la sacoche si lourde à son épaule qu’on se demandait comment il restait droit au bout de toutes ces années.
Facteurs et factrices ne se contentaient donc pas de déposer les lettres jusque sur la table de la cuisine. Ils rendaient aussi bien souvent service à leurs clients.
- Ils apportaient le pain pris à la boulangerie.
- Ils passaient à la pharmacie récupérer les médicaments.
- Ils changeaient la bouteille de gaz.
- Ils achetaient pour eux les journaux au bureau de tabac.
- Ils retiraient pour eux de l’argent.
- Etc.
C’était en effet l’époque où les préposés n’inséraient pas le courrier dans la boîte presqu’en catimini. Car aujourd’hui, connectés, chronométrés et surveillés de près c’est à peine si on a le temps de leur dire bonjour quand on les aperçoit.
Pourtant le facteur reste à juste titre la 2ème personnalité préférée des Français qui n’hésitent pas à le faire savoir si besoin est.
Un télégramme pour De Funès
C’est ainsi que Gérard le Calmettois a eu l’occasion de côtoyer de près des vedettes quand il faisait le facteur à la capitale. Telle Brigitte Fossey à qui il distribuait aussi le courrier.
Un jour il se rendit même aux studios de Boulogne Billancourt. Il devait y porter un télégramme au nom de Louis de Funès. Celui-ci était en plein tournage de l’Avare, avec Michel Galabru.
Au vigile à l’entrée qui lui disait s’en charger, Gérard répondit qu’il avait obligation de le remettre en main propre. Ce n’est pas tous les jours en effet qu’on a la possibilité de rencontrer deux grands acteurs, à l’œuvre qui plus est !
Les pâtes de Lino
Gérard a donc joué les Parisiens sous sa casquette de postier et loin du soleil de son Sud natal. C’est d’ailleurs un jour où il tombait des cordes qu’il fit la connaissance en chair et en os de Lino Ventura, autre vedette parmi ses clients.
Après que Gérard eut tenu la porte à Lino et à sa fille, l’acteur l’invita à monter boire le pastis. Puisque pour tout Parisien, les gens du Sud qui sont tous de Marseille boivent obligatoirement le pastis. Ça tombait bien puisque Gérard est effectivement né à Marseille.
Un pastis en amenant l’autre, il fut bientôt l’heure de passer à table. En bon Italien Lino invita donc le « Marseillais » à partager avec lui à la bonne franquette un plat de pâtes. Et l’invita à revenir prendre un verre quand le cœur lui en dirait.
« C’était un gars super sympa et très simple. Au mur dans les escaliers je me souviens qu’il y avait surtout des photos et des médailles de sa carrière de catcheur. Mais de son métier d’acteur, rien. D’ailleurs il n’en parlait pas spécialement« .
Il est de notoriété publique que Lino Ventura était un grand mangeur et un sacré cuistot, surtout lorsqu’il s’agissait de pâtes. Rajoutez à cela la convivialité à l’italienne et le scénario est complet.
Robert Hossein témoigne : « je me souviendrai surtout comment Lino faisait les spaghettis à la tomate avec ail et basilic. Il cuisinait même pour 8 à 10 personnes dans sa caravane sur les tournages ».
Sa recette de spaghettis fait partie de l’héritage cinématographique français.
On imagine que les pâtes de Lino passèrent comme une lettre à la poste pour Gérard. Malheureusement ce dernier fut muté quelque temps plus tard. « C’est bien dommage lui dit Lino, on a à peine le temps de faire connaissance avec nos facteurs qu’ils sont déjà remplacés ».
Les années ont passé. Gérard ne mangera plus de spaghettis avec Lino. Il goûte par contre à une retraite bien méritée à La Calmette, le village de sa maman. Mais il pourra quand même partager bientôt avec d’autres amis le pain qui sera fabriqué dans le moulin de son village.